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Born to resist
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7 avril 2008

Bienvenue chez moi...

porte

    Quand je suis chez moi, c'est à dire pas chez mes parents, j'habite dans une banlieue que je trouves assez tranquille, assez cosie avec tout ce que comporte la petite couronne sud de Paris. Un coin assez sûr pour que l'on puisse prendre facilement le dernier RER sans jamais se sentir en insécurité contrairement à ce que vous dira TF1. Pourtant la semaine dernière un homme est mort sur un lieu où je passe tous les jours, un lieu de mon quotidien. J'avais déjà dénoncé ces rafles aux portes des stations, à la descente des bus. Cela revenait de plus en plus régulièrement. Cette opération pour une France plus blanche, cette immigration choisie comme ils disent. Une rangée de contrôleurs RATP, une rangée de gendarme mobile et les CRS qui attendent à l'extérieur près des bus et des paniers à salade. Ces impressionnants dispositifs qui, à chaque fois que j'y assiste, me donne la nausée n'ont pas pour but d'alpaguer les fraudeurs mais bien pour compléter les chiffres des interpellations de sans-papiers, ces quotas immondes qui transforment des êtres humains en statistique. L'opération est courante, toujours impressionnante. On voudrait avertir le flux de voyageurs qui descend avant de percevoir dans les travées, presque "discrets" les agents de la BAC et le service de sécurité RATP en civils. Prévenir pour sauver. Curieuse époque où descendre du métro après une journée de travail devient une source d'angoisse pour de nombreuses personnes. Oui nous sommes en France au XXIème siècle et non plus en 1941. Quoi qu'on en dise le procédé reste le même. Etrangement quand on a l'allure du bon gaulois on ne s'intéresse pas à votre titre de transport ni à votre carte d'identité. Désolé d'être né ici, je leur dirais quand je partirais passer des vacances royales en Afrique, c'est pas de bol pour vous. J'insiste pour qu'on contrôle mon titre, pour les faire chier, pour leur faire perdre leur temps. Mieux vaut moi qu'un autre. Vendredi 4 avril 2008, Baba Traoré, Malien de 29 ans est mort pour ne pas avoir eut un bout de papier plastifié. Il était en France depuis 2004 pour donner un rein à sa sœur à la demande de l'hôpital. Le renouvèlement de sa carte de séjour a été annulé en 2007. Vendredi c'était un jour sans, ou plutôt un jour avec... un jour avec une de ces rafles dont je viens de parler. Il a put présenter un pass navigo, son titre de transport, mais pas de papiers d'identité. Il a pris peur, s'est enfuis  et a été poursuivi jusqu'au pont célèbre pour avoir déjà vécu deux évènements semblables : poursuite par la police, la BAC, qui s'achève par un noyé. Baba a été le numéro trois pour ceux qui préfèrent les chiffres. Il a juste eu le temps de courir les 500 mètres qui séparent la gare du pont et se jeter dans la Marne. Les versions diffèrent, une enquête de l'IGS est en cours. Dimanche soir une marche silencieuse était organisée en sa mémoire mais aussi pour dénoncer cette politique qui tue. Baba n'est pas la première victime. Elles se multiplient. Un peu plus de 300 personnes étaient là, les journalistes aussi. Pourtant au milieu du tumulte olympique on en a peu entendu parler. C'est plus pratique de discuter sur les Droits de l'Homme chez les autres avant de regarder ce qu'on fait chez nous. J'y étais aussi, un peu par hasard je l'avoue. Je suis arrivé à la gare à ce moment là et puis je suis resté, j'ai imprégné, j'ai suivit. L'émotion était grande.  Un véritable moment de dignité et de silence. On refait le trajet, on jette des gerbes de fleurs dans l'eau, on prend la parole. Il fait froid, de la neige était annoncé, il pleut comme la famille pleure. Les policiers restent à l'écart, même la brigade fluviale est là. Tout se passe dans le calme. Il y a de tout, des blancs, des arabes, des noirs, des asiatiques, des jeunes, des moins jeunes, des vieux, des prolos, des bourges, des élus... la vrai France, celle qu'on aime, qui est unie dans ses différences, celle qui pleure ce jour ci. Au milieu des discours de dénonciation, de colère, de tristesse un dernier orateur prend la parole et sur les mots "...pour un monde plus beau, un monde plus juste !" le soleil perce les nuages et la pluie s'arrête. Si l'on avait été dans un film on aurait dit que c'était to much. C'était beau. Je ne le connaissais pas, pourtant on allait à la même gare, prenions les mêmes trains, les mêmes bus, les mêmes rues et mine de rien ça fait quelque chose, on se sent impliqué. Parce que ça parait toujours lointain quand ça arrive ailleurs, il ne faut pas détourner le regard lorsque ça arrive en bas de chez toi.
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Peut-être qu'à la prochaine rafle, cette fois là, je crierais.

C'était un reportage en direct de chez moi.

Bienvenue à Joinville-le-con

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Pour en savoir plus :

Mort en se jetant dans la Marne: l'homme était en situation irrégulière

L'hommage après la mort de Baba

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Source :
Toutes les photos sont de moi (donc qu'on m'emmerde pas)

P4060047

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Commentaires
Z
J'ai entendu cette histoire... histoire qui ne devrait plus avoir lieu d'ailleurs, avoir peur de la police en France, ça me rappelle de drôles d'années... <br /> Ce que j'ignorais par contre, c'est que c'était suite aux genres de "contrôles" que tu décris.<br /> Ce pays, c'est un foutu bordel...
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