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11 septembre 2013

Toutes les femmes de ma vie - Episode 2

Jeux-d-enfants-jeux-denfants-love-me-if-you-dare-19398471-576-304Joséphine Lebas Joly dans Jeux d'enfants (2003) de Yann Samuell


         Je n’avais d’yeux que pour Anabela pendant toute la maternelle et l’école primaire. Un amour pour une vie d’enfant, mais un amour inassouvi. C’était certainement la plus jolie fille de l’école. Une petite latine d’origine portugaise avec de longs cheveux bruns et un regard félin. Ses yeux de braise dégageaient une envoutante douceur. Pour ne rien gâter elle était loin d’être idiote. Elle ramenait pas mal de bons points à ses parents. Je ne lui ai jamais dévoilé qu’elle me plaisait. Je pense qu’elle le savait et en jouait à son avantage.
                   En maternelle j’étais un chef de meute. En primaire je suis devenu une brebis galleuse avec l’épanouissement de mon « potentiel intellectuel » qui sera annoté sur mes bulletins toute ma scolarité, souvent accompagné de la qualification : « sous-exploité ». Une tête de classe, au final la tête de turc… Je n’étais populaire que pour mes instituteurs. Et encore, certaines maitresses se plaisaient à casser ceux qui émergeaient un peu trop du troupeau. Anabela disposait d'un autre statu malgré ses aussi bons résultats. J'avais mon harem les années précédentes, elle avait le sien durant tout le primaire.
                Anabela n’avait que peu d'égards envers moi ou parfois même des attitudes humiliantes et cruelles pendants nos jeux d'enfants. Pourtant il n’était pas rare que le soir en m’endormant je nous imaginais faire nos vies ensembles. « Quand je serais grand… Quand j’aurais réussi…» C’est un âge auquel on croit encore à ce que les grands nous disent. C'était mon rêve, ma princesse de conte de fée. « La vie est juste. Si tu travailles dur à l’école tu réussiras. Tu seras important et tu auras tout ce dont tu rêve. » Je me voyais déjà en costume-cravate dans un bureau au sommet d’une tour comme J.R. dans Dallas, à mettre à ma botte tous ces crétins agressifs plus nuls que moi en math et qui finiraient sans aucun doute chômeurs.  Un gros poisson dans une petite mare. Oui, on peut être mégalo à 8 ans.

               Elle m’a causé des peines. Toujours invitées à mes anniversaires, moi rarement aux siens. Elle a souvent été la cause de bagarres avec mes camarades de classe. Certaines batailles de cour de récréation furent épiques. Elle n’était pas méchante, juste… distante et froide comme une reine. Un schéma que je reproduis continuellement. Je m’en rends compte en écrivant ces lignes.
              Ma première déception amoureuse dura donc six ans. Une éternité à cet âge. Quelque chose me dit que ma conception indue de la vie provient de là. Pourquoi se plier en quatre quand tu te dis que de toute façon la vie va te cracher à la gueule ? Une époque où j’ai mis des gens sur un piédestal et où je me suis rabaissé. Jalousie. Je n’avais pas le melon mais déjà de la souffrance. Anabela est un archétype. Je me suis entré dans la tête que tout ce que je désirais ne pouvait être que trop bien pour moi. C’est resté.
                Avec le recul, l’affaire était entendue. Je l’aimais, elle non. Fin de l’histoire. Je ne lui en veux pas. Puis vint le collège. Nous n’étions plus dans la même classe. Nous nous sommes perdus de vue. Elle a commencé à tourner un peu peste, à devenir superficielle comme la plupart des adolescentes. Elle sortait avec ce petit arrogant qui habitait près de chez elle. Je ne le connaissais pas. Le mec sortait de nul part. Il avait fait son élémentaire en école privée. Une vraie tête à claque que le fric de ses parents avait rendu imbuvable. En dehors de ça ce n'était pas un apolon. Je n’ai jamais compris cette relation, ce qu'elle pouvait lui trouver lui et ses idées étroites. Une fille à priori intelligente avec ce gars qui se prenait pour un génie… Pourtant c’était du solide puisqu’ils ont aujourd’hui bagues aux doigts, maison, enfants, chien et monospace. Elle travaille comme assistante médicale. J’ai appris qu’elle avait subi un cancer... Je lui souhaite le meilleur, une longue et heureuse vie.
                   Anabela appartient au passé d’un petit garçon à l’apparence dur mais au cœur fragile. L’oubli est né sous d’autres flèches de séraphins.

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