La Lettre écarlate

Bill Murray, Harold Ramis, Dan Akroyd & Ruth Oliver dans Ghostbusters (1984) de Ivan Reitman

           Ranger sa chambre d'enfant c'est prendre le risque de réveiller quelques fantômes. Mes affaires d'adolescent en sont remplies. Des photos, des objets et beaucoup de textes douloureux. Je suis un aficionado du souvenir transcris. C'est avec une certaine appréhension que j'ai commencé à la vider. Mes parents me tannaient avec ça depuis un moment. Je me suis fais piéger par un repas de famille. C'est donc en mode Ghostbuster que j'ai rouvert certains placards. Au milieu du fatras, quelques mots échangés en classe au lycée ou à la fac, de bons souvenirs. La lettre de l'université qui avait rejeté ma candidature pour la filière cinématographique avec des mots particulièrement durs quant à mon avenir dans ce domaine. Je la gardais, espérant la brandir un jour ivre de revanche. Même si j'ai fait un parcours universitaire honorable dans une institution de bien plus grande renommée, il s'avère qu'au bout du compte ils n'avaient pas tout à fait tort. Je l'ai retrouvé au milieu de brochures et de dossiers de candidatures pour diverses écoles audiovisuelles. Autant d'occasions et de rendez-vous manqués. Le roman de toute une vie. Je ne regrette pas mes années d'études, globalement je me suis éclaté dans un domaine assez plaisant. Si je n'ai pas réussi à travailler dans ce domaine, mes diplômes me sont aujourd'hui tout de même d'une grande utilité. Des tickets de cinéma en pagaille. Des cartes postales que je m'apprêtais à jeter jusqu'à ce que je tombe sur l'une d'elles en provenance d'un ami disparu. La moindre trace compte. Je les ai gardé. Des cahiers entiers aux pages noircies de textes, déjà âpres, déjà durs, déjà enragés, déjà désespérés et désespérants. Quelques dessins, art pour lequel je n'ai jamais eu d'excellentes dispositions au contraire de ma sœur à mon grand regret. Des ébauches de bandes-dessinées, des storyboard, des synopsis et divers scénarios inachevés... Pas mal de documentation touristique sur la Pologne, même une méthode pour apprendre la langue. Je crois n'avoir jamais été au delà de la quatrième page. C'était du temps où j'avais le béguin pour une slave au physique de danseuse étoile. C'est le genre de truc que je fais. Des trucs qui aboutissent rarement. Il y a des souvenirs plus rigolos, plus plaisants que d'autres. Quand on creuse, il arrive qu'on exhume quelques cadavres. Je ne parle évidement pas de ma vieille collection de Playboy. Mes filles sur papier glacé pre-Youporn ont fini leur carrière dans la benne à ordure. Je pensais plutôt à ma correspondance avec C. Pourquoi ai-je gardé tout ça? Je dois être maso. A chaque fois, je ne peux m'empêcher de la relire. A chaque fois, j'ai cette amertume qui revient. "Le problème avec les écrits c'est que parfois on les garde longtemps et qu'on y met des bêtises. Je vais essayer d'en mettre le moins possible mais je ne promets rien." Ce n'était pas faux. Ses premières caresses sur papier n'ont pour moi comme résonance que ses dernières morsures sur un écran "Tu m'as appris à te désaimer" Elle a toujours eu le sens de la formule. Ces lettres me brûlent la rétine. Elles ont beau avoir neuf ans, cette odeur de souffre n'est pas éventée. Avec celle-ci, un cadre en forme de cœur qu'elle avait confectionné avec les pétales d'un bouquet de rose que je lui avais offert. A l'intérieur une photo de nous, complices. La vitesse de la vie et les changements qu'elle provoque me fascinent toujours. Je me suis presque surpris à poser tout ça sur la pile "A garder". Aujourd'hui de l'eau à coulé sous les ponts. Je ne parle plus de reconstruction. Je pense être définitivement abîmé. Chacun a ses fêlures. Je dois continuer à aller de l'avant. Les mots trahis rejoignent les playmates. La poubelle des rêves fantasmagoriques. Le dormeur doit se réveiller. Le cadre les rejoints non sans avoir été préalablement déchiqueté. Un geste apaisant. Pourquoi ne l'ai-je pas fais plus tôt ? Je ne doute pas que d'autres souvenirs plus ou moins bienveillants m'attendent dans les autres tiroirs mais j'ai eu ma dose pour aujourd'hui. Mes autres démons attendront. Car souvenez-vous : "Il ne faut jamais croiser les flux !"

Comments

[Zofia]

Je te comprends ! très difficile de se séparer de ce qui est écrit ! j'ai pour ma part, une certaine quantité de boîtes qui contiennent tout un tas de choses du passé dont je n'ai pas encore envie de me défaire. J'ai replongé dedans en février pour faire un cadeau à une copine de lycée dont s'était l'anniversaire, c'est toujours très étranger à chaque fois...

[Dawn Girl]

(OH on a posté à 6 minutes d'écart)



Un peu de ménage, c'est toujours positif :) J'ai plein de vieux trucs poussiéreux qui traînent dans ma chambre chez ma mère.